à la découverte du disque 2021
Les textes du disque
Ariane consolée par Bacchus
(F. Couperin)
1 - Récit
Sur les bords d’une île sauvage, la triste fille de Minos pleurait la perte d’un volage, que loin d’elle emportaient et les vents et les flots. Quelle était sa douleur mortelle, quels sanglots, quels transports, quels cris perçants ! Tantôt elle priait les vents de ramener son infidèle, tantôt elle voulait que les flots curieux le fassent périr à ses yeux ; vain courroux que bientôt démentait sa tendresse, vaincue enfin par sa douleur, elle tombe sans voix, sans force, sans couleur, abandonnée à sa faiblesse.
2 - Air
Amour, vante cette fois la justice de tes lois et la douceur des chaînes.
Quel cœur t’offrît plus de voeux, quel cœur vit payer les feux par de plus cruelles peines.
3 - Récit
Ariane en cette langueur allait finir son destin déplorable, lorsqu’une main secourable verse en sa bouche une douce liqueur qui rappelle ses sens et ranime son cœur. Elle ouvre un œil mourant et quel objet l’étonne : elle voit à ses genoux un dieu jeune et charmant que le pampre couronne ; il a la coupe en main, les yeux brillants et doux. L’amour l’avait instruit du sort de la princesse et vers ce lieu fatal avait conduit ses pas. Vivez, lui disait-il, que votre douleur cesse, Bacchus vient secourir et venger vos appâts.
4 - Air
Pouvez-vous pleurer un barbare, vous méritez un sort plus doux. Ariane, que perdez-vous que ma tendresse ne répare ? Bacchus de vos chaînes content vous jure une ardeur éternelle. Un dieu soumis tendre et fidèle vaut bien un mortel inconstant.
5 - Récit
Tandis qu’il parle ainsi, la princesse en soi-même de son nouvel amant compare les attraits avec la perfidie extrême d’un ingrat qui la quitte après tant de bienfaits. Plus sa vengeance sera prompte, plus tôt de son injure elle efface la honte. Le dieu voit sa pensée et dans ces doux moments à ses discours flatteurs joint de nouveaux serments, l’assure qu’un fort digne d’elle, la doit couronner dans les cieux. Elle cède à la fin, un hymen glorieux livre aux yeux de Bacchus sa conquête nouvelle.
6 - Air gay
Chantons sans fin le dieu du vin ! D’un amour tranquille il réveille les feux et des malheureux il devient l’asile.
Léandre et Héro
(L.N. Clérambault)
1 - Ritournelle
Loin de la jeune Héro, le fidèle Léandre formait d’inutiles désirs. Cher objet, disait-il, de mes ardents soupirs, à quel bonheur sans vous puis-je jamais prétendre. Quoi ! vainement vous partagez mes feux ? La mer inhumaine et barbare oppose un fier obstacle au plus doux de mes vœux. Peux tu souffrir Amour, qu’elle sépare deux coeurs, que tu veux rendre heureux ?
2 - Air gay et gracieux
Non, c’est trop soutenir les tourments de l’absence, n’écoutons plus que mon amour. Et toi, Vénus, j’implore ta puissance ; trahirais-tu mon espérance sur les flots dont tu tiens le jour ?
3 - Récitatif
À ces mots, du rivage il s’élance sans crainte. Le silence et la nuit lui prêtent leur secours, et l’amoureuse ardeur dont son âme est atteinte, lui cache le péril qui menace ses jours.
4 - Air fort tendre
Dieu des mers, suspendez l’inconstance de l’onde, calmez les vents impétueux, l’Amour expose à vos flots dangereux, le plus fidèle amant du monde. Volez tendres Zéphirs, conduisez cet amant fidèle, où mille fois touchés de sa peine cruelle, vous avez porté ses soupirs.
5 - Récitatif
Cependant sur les flots, cet amant généreux trouvait un facile passage ; le ciel semblait favoriser ses vœux. Il aperçoit déjà le fortuné rivage, quand tout à coup Borée en sortant d’esclavage, change un calme si doux en un orage affreux.
6 - Tempeste
Tous les vents déchainés se déclarent la guerre, la foudre éclate dans les cieux et la mer irritée au-dessus du tonnerre porte ses flots audacieux. Dans ce péril pressant, Léandre qui se trouble, ne saurait échapper au trépas qui le suit. L’obscurité qui se redouble, dérobe à ses regards le flambeau de la nuit.
7 - Récitatif
C’en est fait, il périt. Cette affreuse nouvelle, de la sensible Héro perce le triste cœur. Elle succombe à son malheur. Et dans les mêmes flots, cette amante fidèle, finit sa vie et sa douleur. Mais, Neptune touché d’une flamme si belle, reçoit ces deux amants au rang des immortels, et réparant du sort l’injustice cruelle, unit leurs tendres cœurs par des nœuds éternels.
8 - Ritournelle
Amour, tyran des tendres cœurs, arrache ton bandeau, connais ton injustice et ne laisse plus au caprice à décider de tes faveurs. Tu répands tes biens et tes peines dans un funeste aveuglement. Toujours sur le plus tendre amant tombent tes rigueurs inhumaines.
Héraclite et Démocrite
(B. Stuck)
1 - Récitatif
Héraclite Dans un abîme affreux de douleurs et de peines, mon cœur est plongé nuit et jour, mille soins à l’aspect des misères humaines le troublent en secret, l’agitent tour à tour. Et le sein de Titie au ténébreux séjour, sans cesse déchiré par des vautours avides, ressent moins vivement leurs fureurs homicides.
2 - Air lent
Pleurez mes tristes yeux, la nature sous de faux charmes ne m’offre qu’objets odieux. Répandez des torrents de larmes, par ce secours officieux soulagez mes vives alarmes.
3 - Récitatif
Démocrite Dans le paisible sein de la tranquillité, je jouis d’un plaisir extrême. Je ris d’un mortel agité qui se plaît à forger lui-même des chaînes à sa liberté. À mille faiblesses diverses, chaque instant il livre son cœur, et ses propres désir sont autant de traverses à son chimérique bonheur.
4 - Air gracieux
Sa raison n’est qu’un délire, il s’égare dans ses vœux. Peut-t-on s’empêcher d’en rire, non, non, non ce sont pour moi des jeux. En volant à la victoire, le héros court au trépas. L’ambitieux met sa gloire dans le seul bien qu’il n’a pas.
5 - Duo
Héraclite Je succombe sur ton effort, vive douleur, cruel martyre.
Démocrite Des humains le bizarre sort n’est pour moi qu’un sujet de rire.
Héraclite À pleurer leurs communs malheurs mes yeux sont occupés sans cesse.
Démocrite Je ris de leurs folles erreurs et me moquent de leurs faiblesses.
6 - Récitatif
Héraclite Mais quel objet nouveau redouble mes douleurs ou fuyez-vous hélas précieuse innocence ? Ô temps de Rhée, ô siècle, ô mœurs, d’un sexe trop chéri, dieux ! quelle est l’inconstance. Il devient volage, sans foi on ne voit en lui qu’artifice, l’injustice est sa seule loi et son amour n’est qu’un caprice.
7 - Air gay
Plus légère qu’un Zéphir, l’on voit changer une belle et d’une flamme nouvelle se faire un nouveau plaisir. Une chaîne trop durable devient pour elle un tourment et l’amant le moins charmant triomphe du plus aimable.
8 - Récit
Démocrite Lâches et crédules amants, ne vous lassez point de m’apprêter à rire ; vos peines, vos soins, vos tourments vous rendent ils si cher un tyrannique empire ? Allez, suivez encore les mouvements jaloux d’un amour dont l’outrage est seul la récompense, ou voyez sans dépit l’indigne préférence qui trahit vos vœux les plus doux.
9 - Air gracieusement
Sortez à vos belles tendres soupirs toujours contents d’elles, formez des désirs. Charmez de vos peines, aimez les mépris, des plus belles chaînes il feront le prix.
10 - Récit en duo
Démocrite Non on ne voit point de sage.
Héraclite C’est le sort d’un mortel que d’être malheureux.
Démocrite Il eut la folie en partage.
Héraclite La mort de tous ses maux est le moins rigoureux.
11 - Duo sur la tempeste
Héraclite et Démocrite Dans la tempête et dans l’orage, un mortel voit couler ses ans. Dans l’horreur d’un prochain naufrage, l’onde l’emporte au gré des vents.